John Dent-d'or, d'habitude assez placide, avait beaucoup bu ce matin là, plus encore que d'habitude, et était en plus particulièrement énervé. En effet, il avait été réveillé en sursaut et d'une manière des plus brutales ! Un esclave humain, faisant partie d'un lot appartenant à la Bombe et parqué dans la Capitainerie avec ses congénères avant d'être chargés comme des bestiaux dans la cale sordide de quelque navire, avait tenté de s'échapper. Amaigris, ses mains avaient pu glisser à travers les cordes qui le retenaient et il avait essayé de s'enfuir entre les tonneaux que l'on déchargeait et les cargaisons que portaient les débardeurs débordés. Mais alors que l'esclave, dans sa folle course pour sortir de cet immense entrepôt, passait devant Dent-d'or, l'un des cogneurs chargés de la surveillance de la Capitainerie épaula son fusil gobelin et ouvrit le feu sur la marchandise vivante. La balle avait traversé le crâne de l'esclave qui s'était écrasé au sol, raide mort. En revanche, le contenu de sa boîte crânienne avait giclé sur le vieux boucanier qui ainsi s'était réveillé de la pire des façons, ce qui justifiait son humeur massacrante du moment, quand Kovic vint lui parler.
- "Et pour qui tu te prends, petit." grogna-t-il à son adresse, bougon pour le reste de la journée. "Mes ratasses t'y toucheras pas, quand à la Bombe, il payera si il juge qu'tu peux lui servir à un truc. D'ailleurs, dis ton nom et c'que tu vaux, marin d'eau douce."