[R] S'il faut en passer par là...

Une démarche légèrement chaloupée, un petit minois bien propre... Juste de quoi attirer le regard sans que les neurones s'agitent de trop pour réfléchir à sa présence ici. Et un sourire suffisamment malin pour que même les vieux bandits reconnaissent dans le petit bout de femme l'une des leurs.

Elle s'approcha du vieil ivrogne et eut un petit mouvement du menton pour attirer son attention.

- " John Dent-d'or j'imagine ? Aussi exotique qu'on me l'avait décrit..."

Elle posa son petit cul sur la table, à demi-tournée vers l'homme, et d'un mouvement adroit fit glisser une pièce d'or dans sa main. La mettant sur le côté, elle la fit tourner habilement tout en la maintenant d'un doigt pour l'empêcher de se promener sur la table. Et tout en souriant, elle attendit patiemment que le vieil homme lui réponde...

Le vieux boucanier, toujours installé sur son éternel tabouret à trois pieds, et lécha ses lèvres craquelées en regardant la jeune femme approcher.

- "Exotique ? Héhéhé ..." se contenta-t-il de lâcher en regardant le postérieur de la Vadrouille pressé sur la table en chêne. Mais lorsqu'elle sorti la pièce d'or et joua avec, les yeux de John Dent-d'or se plantèrent dessus comme mus par un instinct animal, et ne s'en décollèrent plus.

- "Dis moi c'que j'peux faire pour toi, p'tite ..." dit-il en relevant le bout de son tricorne usé du bout de son pouce sans lâcher la pièce des yeux.

La pièce brillait à la lumière de la taverne. C'était infime et seul un oeil bien exercé pouvait le voir, mais elle émettait de petits scintillements sporadiques, comme des appels au secours... ou à tout autre chose.
Son regard se perdit un court instant dans la beauté de cet or pur, ses prunelles relevées d'une lueur possessive et presque diabolique. Oui, diabolique, comme possédée... Presque autant que le vieil homme en cet instant. Elle aurait pu rester des heures à l'admirer, assisse à cette table, secondée par John Dent-d'Or qui semblait souffrir du même appétit qu'elle. Cela aurait été même étonnant qu'ils soient les seuls à s'intéresser à cette pièce dans cette bâtisse...

Mais un battement de cil suffit à la sortir de sa torpeur. Un battement de cil et un espoir fugace qui réveilla ses vieux démons : cette pièce n'était qu'un appât. Un appât destiné à attirer d'autres butins, d'autres magots. Et c'était après qu'eux que La Vadrouille courrait.

Alors, tout bêtement, elle attrapa sa pièce et la jeta en l'air... attendant que les grosses paluches grasses de Dent-d'Or s'en emparent. Elle ne doutait nullement de son habileté à ce petit jeu.

- "La Bombe." répondit-elle d'une voix posée tout en plantant son regard sur le vieil homme.

Même si elle détestait passer par des intermédiaires, elle devait avouer que celui-ci présentait un intérêt tout particulier. Il semblait tellement plus malin que ce que son apparence laissait deviner... Et elle adorait jouer sur les apparences.

- "J'vais devoir attendre longtemps qu'il pointe le bout de son nez ?" ajouta-t-elle rapidement.

Comme elle s'y attendait, le vieux boucanier attrapa la pièce en vol avec une dextérité féline et surprenante pour l'image de vieil ivrogne loqueteux qu'il pouvait donner. Il se rassit sur son tabouret et regarda la jeune femme dans les yeux en glissant la pièce dans la bourse plate qui pendait à sa ceinture.

- "T'veux voir la Bombe. Donne moi ton nom et dis moi c'que tu lui veux, à la Bombe, et je verrai ce que je peux faire pour touè. Mais une chose est sûre ... s'il t'fait attendre ... t'attendra." lâcha-t-il en ricanant, le dos calé contre des caisses d'armes estampillée d'un lion à moitié effacé.